Premiers contacts

Les hommes me regardent, guettant l’ordre de l’assaut. Leurs regards sont à la fois farouches et hésitants. Ils sont rompus à l’art de la guerre et déterminés dans la bataille mais je lis leurs pensées. Après des années passées à risquer leurs vies, ils espéraient enfin s’établir sur une terre fertile et l’exploiter paisiblement. Cette guerre que nous entamons contre ce nouvel ennemi vient compromettre leurs plans et repousse vers une frontière inconnue cette ère de paix à laquelle ils aspirent.

Le peuple arverne occupe toute cette région montagneuse et l’administre depuis la place forte de Gergovie. Le village que nous attaquons est à la frontière Nord de leur territoire, à quelques lieues au Sud de la vallée dans laquelle nous avons établi notre colonie. Mes guerriers comprennent que le pillage de ce village par une bande armée et organisée provoquera l’hostilité de ce peuple d’hommes violents et très supérieurs en nombre.

La brise me charrie les voix des hommes et des femmes tapis derrière la palissade de bois. Le village se prépare à la bataille avec une résolution peu commune. Ils se battront jusqu’à la mort, pas de reddition à espérer. Il faut donc que l’assaut soit puissant et que le combat soit bref.

J’examine chacun de mes hommes. Nul regard n’exprime la crainte, seulement le calme frémissant qui précède la tempête.

A quelques pas de notre position, Robert d’Arque et sa troupe de dégénérés jettent des regards avides vers les hommes qui déambulent inquiets sur la palissade. Ce combat ne peut être qu’une boucherie.

Le vent tourne et s’amplifie. Un air froid et piquant s’infiltre entre mes mains et la garde de mon épée qui paraît de ce fait plus légère. Le moment est venu.

Je donne le signal de l’assaut. Rage ! Le bélier, poussé par six hommes, est dirigé vers la porte à une vitesse furieuse. Les archers couvrent sa progression en envoyant leurs traits avec une précision redoutable sur les hommes de la palissade. La brise s’est transformée en bourrasque, accélérant la course des flèches et l’inertie du bélier qui vient fracasser la porte.

Les hommes qui tenaient le bélier prennent immédiatement le contrôle de la palissade en massacrant les quelques défenseurs qui avaient survécu au feu des archers.

La brèche est ouverte et mes hommes ainsi que ceux de Robert pénètrent, armes au clair et vociférant, à l’intérieur du village. Le corps à corps commence, il est violent et dangereux. Ces guerriers arvernes se révèlent mieux organisés, méthodiques et entraînés que nous le pensions. L’ardeur de notre premier assaut est rapidement refroidie. Nous adoptons alors une posture de combat similaire, en carré, mesurant notre avance et protégeant nos flancs. Alors que l’affrontement piétine de notre coté, les brutes de Robert qui luttaient sur un deuxième front prennent un avantage décisif sur leurs adversaires. L’affrontement prend des allures de sauvagerie. Des membres déchiquetés volent dans des jaillissements de sang, les arvernes reculent en s’abritant derrière leurs boucliers, puis c’est la curée, les hommes ont senti la peur flétrir le cœur de leurs ennemis. L’ivresse de la victoire imminente décuple leurs forces. Le combat se prolonge encore quelques minutes et s’achève enfin. Les femmes et les enfants hurlent de désespoir derrière les murs de leurs maisons couverts de sinistres éclaboussures. Ils connaissent le sort qui les attend.
La guerre revêt toujours les mêmes costumes de souffrance et de mort mais elle est inéluctable, voire nécessaire et Il est préférable de la provoquer plutôt que de la subir. Aujourd’hui nous n’avons rien à perdre que nos vies mais demain ? Nous avons le devoir de vaincre et pacifier les peuples de cette région avant d’entreprendre notre œuvre de civilisation.